Document n° 14 Jean Bouvy s.j. (dir.), Liturgie eucharistique
Dans les recherches sur le Mouvement liturgique et la réforme de la liturgie par le concile Vatican II, les sources locales sont très importantes. C’est la raison pour laquelle est publié dans les CITP un cahier rassemblant les textes des communications et les échanges lors d’une session de cinq jours des Jésuites de Belgique l’été 1961, juste avant l’ouverture du Concile. D’après ces textes, les participants étaient principalement investis dans les collèges que la Compagnie de Jésus dirigeait et animait alors. Cette dimension colore les échanges et donne une spécificité intéressante pour la recherche. Les études sur le Mouvement liturgique sont en effet un peu pauvres sur ce qui se vivait et s’essayait du point de vue liturgique dans les collèges européens, particulièrement les internats. Il s’agit donc plus que seulement un témoignage historique ou une plongée dans les frémissements préconciliaires. Les échanges retranscrits ici sont maintenant une source de première main particulièrement précieuse. Autre intérêt de ce document, l’omniprésence de Joseph Gelineau. Il fit quatre conférences (sténographiées, enregistrées et revues par lui-même) sur l’Assemblée liturgique, la liturgie de la Parole, le cadre de la liturgie eucharistique et le chant liturgique. Il intervint de plus dans tous les échanges. Ses propos permettent d’appréhender les convictions de cet acteur majeur du renouveau liturgique à la veille du Concile. Le document enrichit ainsi le numéro 259 de La Maison-Dieu (2009) consacré à cet inlassable serviteur de la liturgie. À la lecture des interventions et débats, on se dit que les défis relevés à l’époque – juste avant le Concile – sont encore actuels. C’est une porte d’entrée supplémentaire pour ce document. Je retiens deux dimensions, qui me paraissent à travailler tant dans la recherche que dans la pastorale liturgique et sacramentelle aujourd’hui. Une première insistance traverse toute la session : une culture chrétienne et biblique est nécessaire pour que se déploie la participation à la liturgie. Le père Gelineau disait : « Dans la préparation de nos célébrations, il y a un élément plus vaste et plus important : c’est la formation profonde à une culture à la fois humaine et religieuse, et à toute la gamme de ses moyens d’expression. Ainsi la célébration sera pour nos élèves l’expression simple et vraie de leur vie de foi et de leur dignité, de leur fierté chrétiennes » (p. 37). Les échanges de l’époque montrent un souci commun des pères éducateurs jésuites et laissent présager l’écroulement des décennies qui suivront. Le père Gelineau revient aussi à plusieurs reprises sur une dimension trop négligée peut-être aujourd’hui : l’intériorité. Écoutons-le : « Le problème central est l’intériorisation de l’action liturgique ». Tout en cherchant des solutions pratiques, ne nous braquons pas sur le temps [la durée]. Le vrai problème est celui du rapport entre la participation liturgique et la vie d’oraison habituelle. Celle-ci est le fait d’une vie intérieure profonde. Peut-être y a-t-il là un service éminent que la Compagnie est appelée à rendre aujourd’hui à l’Église. Sa longue tradition de formation à l’oraison et son ouverture actuelle au renouveau liturgique peuvent aider les fidèles à trouver cette unité vivante et nécessaire de la prière intime et de la participation liturgique. » (p. 61-62). Les autres intervenants sont les pères Étienne Amory sur le célébrant, Paul François sur le commentateur [fonction liturgique considérée comme d’avenir à l’époque, et désormais oubliée], Jean-Marie Doutrelepont sur l’homélie et Jean Bouvy sur la grande prière eucharistique. L’intervention du père Léopold Malevez sur la prière privée fut alors publiée dans la Nouvelle Revue Théologique en 1961, p. 914-942. Tous les textes ont été revus par leurs auteurs lors de leur publication après la session. Ils n’ont pas été relus pour leur publication en ligne.
Arnaud Join-Lambert (Université Catholique de Louvain)
Liturgie eucharistique A