Actes n° 22 Pratiques de libération et théologique des pratiques. Tome 2 (Éds Yves Guérette et Frédéric Lusignan)

La libération renvoie à l’expérience d’être délivré de la détresse, d’être tiré du danger ou encore extirpé d’un péril. Elle est associée à l’affranchissement de différentes formes d’entraves qui oppriment, à la délivrance des jougs qui oppressent et parfois tyrannisent, à la protection des indigents qui subissent les affres des inégalités entre les humains, au rachat des prisonniers et des esclaves stigmatisés d’innombrables manières, à la guérison des malades et des souffrants atteints dans leur intégrité et leur dignité, etc. Plus largement encore, la libération est étroitement concernée par les enjeux, les défis et les menaces humanitaires, écologiques, économiques, sociaux, politiques ou religieux, par la violence sous toutes ses formes et dans tous contextes, par l’asservissement et par l’exclusion, etc.
La libération est au cœur des récits qui forment les Écritures. Pour les croyants, elle découle et résulte de l’initiative de l’intervention de Dieu dans la trame de l’histoire humaine. C’est lui qui libère, qui arrache, qui rachète, qui affranchit, qui rétablit ou encore qui fait sortir. Expériences du salut. Hier comme aujourd’hui, l’élaboration du discours théologique s’appuyant sur l’interprétation d’expériences de la libération demande un travail théologique soigné et délicat puisque le salut ne peut qu’être entrevu – le plus souvent – qu’après coup, perçu comme dans une nuée et surtout espéré.
« Le salut est le mot-clé du message religieux : qui le comprend autour de nous, voire même parmi les croyants? Fatalement, si on en exclut les si nombreuses réalités du “monde” qui préoccupent la masse des gens, sous prétexte qu’il n’y est pas question de Dieu ou que cela est sans rapport avec l’éternité (mais qu’en sait-on?), on vide le mot salut de toute signification pour eux, et alors on ne doit pas s’étonner que le langage de la foi soulève si peu d’intérêt. Que manque-t-il à ce langage pour être intelligible? […] il lui manque un peu de chair, il lui manque la pensée du monde. » ( Joseph MOINGT, « Une foi qui pense », dans Parvis, n° 9, mars 2001).
C’est précisément aux enjeux et au travail de l’interprétation théologique des pratiques de libération que s’est consacré le 10e colloque de la Société internationale de théologie pratique2 (SITP). Cet ouvrage qui présente 9 contributions complète le livre Pratiques de libération et théologie des pratiques. Pour une épiphanie du salut de Dieu ((Coll. Théologies pratiques), Montréal, Novalis, 2022) qui en contient douze autres.
La première des trois parties de cet ouvrage s’intitule La libération de l’être humain comme projet théologique et social. Elle regroupe trois articles dont celui de Dieudonné Mushipu Mbombo : « Libérer l’homme, mais aussi la création : responsabilité écologique du théologien pratique ».
Joël Molinario propose une réflexion à partir de quatre grands axes qui autorisent et permettent de faire du droit à la liberté un véritable objet théologique. Enfin, Simon Lepage-Fournier dans « Le commerce équitable : libérateur au Nord comme au Sud ? » présente les conclusions d’une recherche conduite à partir d’une enquête auprès des personnes impliquées dans le commerce équitable comme pratique de libération.
La deuxième partie regroupe des propositions qui concernent l’accompagnement et l’éducation de la foi comme voies de libération. Sylvie Barth propose un article intitulé « Libérer la vie : quand des sessions par et pour les couples en recherche de sens et de souffle favorisent le « développement durable de l’amour ». Pour leur part, Catherine Chevalier et Myriam Gosseye s’intéressent aux pratiques de soin en aumônerie hospitalière. Dans « Une éducation religieuse à la libération? », Nicole Awais pose des critères qui peuvent conduire l’éducation religieuse vers une véritable expérience de libération. Pour sa part, Michel Bationo élabore une réflexion théologique à partir des situations de souffrances que peuvent éprouver les personnes polygames et divorcées remariées au Burkina Faso, dans le diocèse de Koudougou.
Enfin, la troisième partie de cet ouvrage se consacre à la réflexion théologique entourant la guérison physique et spirituelle comme chemin de libération. Jean Patrick Nkolo Fanga s’intéresse à la pratique de la prière avec imposition des mains. Enfin, Mathieu Tchyombo Wa Yoa Kazadi présente une réflexion sur les pratiques de la théologie de la guérison en contexte séculier.
L’expérience de la libération est intimement liée à la condition humaine. Chacune et chacun sommes sujets à vivre et parfois subir différentes situations, formes et types d’enfermements et de réclusions au cœur des jours. Des défis et des enjeux écologiques, économiques, sociaux, politiques ou religieux nous convoquent collectivement à réfléchir comment les assumer le plus sereinement et dignement possible et à nous investir dans des actes qui abondent dans le sens de la libération autant pour les autres que pour nous-mêmes. La libération extrait et affranchie, délivre et délie, émancipe et dégage des différents jougs qui défigurent les humains et la création. Elle est ultimement expression de la victoire de la vie sur les différentes manifestations de la mort. Pour les croyants, libération et salut sont autant de manifestations et d’épiphanies de Dieu !
Yves Guérette, professeur à l’Université Laval et Frédéric Lusignan, doctorant en théologie pratique (Université Laval)

Pratiques de libération et théologique des pratiques. Tome 2

juin 29, 2023