Actes n° 12 L’évangile des familles. Actes de la 9e journée d’études bilingues du mercredi 6 avril 2016 (Éd. François-Xavier Amherdt)
Après les deux synodes des évêques sur la famille d’octobre 2014 et 2015, et dans la ligne de l’exhortation apostolique du pape François Amoris laetitia, comment concevoir l’Église comme famille et relever les difficultés de comprendre et de vivre cette réalité ? Comment pastoralement intégrer les nouveaux baptisés et toutes les familles dans la communauté ecclésiale ? Comment la foi peut-elle être un soutien dans les problèmes de la vie familiale ?
Comment gérer les tensions qui semblent exister entre la réalité des familles dans leurs configurations diversifiées, leurs joies et leurs difficultés et le message ecclésial qui continue d’apparaître à beaucoup comme une voie inaccessible ?
À ces questions tentent de répondre deux exposés, de styles et portées différents :
– d’abord, de type pastoral, celui d’un responsable ecclésial, le délégué de la Conférence des évêques suisses au synode 2015, Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, nourri des réflexions synodales partagées avec ses frères évêques, dans l’attente du document pontifical La joie de l’amour, rendu public juste après la Journée d’études en avril 2016 (« La famille et l’Église – L’Église comme famille »). Son apport, depuis l’intérieur de « l’expérience synodale », dont les évêques réunis à Rome en octobre 2015 ont commémoré le jubilé des 50 ans d’existence à partir du concile Vatican II, donne de l’épaisseur pastorale et existentielle à ce que le texte de François transmet ;
– ensuite, de type plus théologique et académique, celui d’un éthicien, marié et père de famille, conseiller de vie, conjugal et familial, professeur de théologie morale à l’Université de Bonn et de psychologie morale à l’Université Ludwig Maximilian de München, le docteur en théologie et en sciences sociales Jochen Sautermeister (« Créativité de la communauté entre idéal et réalité. L’intégration de tous dans l’Église famille » – Original : « Kreativität der Gemeinschaft zwischen Ideal und Realität. Integration von allen in der Familie Kirche »). Anticipant sur un certain nombre de commentaires émis à la suite de la parution du document pontifical, son approche établit le rôle décisif que doit désormais jouer Amoris laetitia (AL) dans la prise en compte de la distance entre le discours du Magistère, souvent encore perçu comme idéalisé, et la rude réalité de l’existence humaine, dans la diversité de vie des couples et des familles : il s’agit à l’avenir de prolonger les perspectives théologiques et anthropologiques déjà esquissées et de formuler des propositions d’action pastorale inspirées d’un paradigme nouveau : l’attention concrète à chaque situation en sa spécificité et la pastorale d’intégration – non plus d’exclusion – qui en découle.
Comme le titre du document l’exprime clairement, « L’évangile DES familles », les Écritures ne connaissent pas un seul modèle familial, elles nous invitent à revisiter nos relations de pères et de mères, de fils et de filles, de frères et sœur, etc., dans chaque contexte spatio-temporel, avec un regard renouvelé.
L’Église « famille de familles » désire donc « accompagner » pastoralement et « intégrer » en son sein toutes les formes de familles aujourd’hui, y compris celles placées en situations dites faussement « irrégulières », même si le chapitre 8 d’AL reprend cette formulation en l’explicitant. Elle souhaite promouvoir à tous les niveaux une « culture du discernement », déjà auprès des agents pastoraux prêtres, diacres et laïcs permanents ou bénévoles engagés dans les services de pastorale familiale (cf. chapitre 6 d’AL), puis surtout en renvoyant chaque personne, chaque couple, chaque famille à sa conscience, le sanctuaire ultime du discernement sous le regard de Dieu, et en essayant d’aider à l’éclairer à la lumière de la Parole.
François-Xavier Amherdt (Université de Fribourg)