Actes n° 21 La théologie des ministères dans l’Église catholique et les Églises luthériennes et réformées. Une réflexion théologique sur des pratiques ecclésiales (Éd. François-Xavier Amherdt)

« Qu’est-ce qui vous paraît important et à discuter dans la théologie des ministères de votre Église ? » C’est ainsi que s’est ouvert le colloque doctoral œcuménique de 3ème cycle de théologie pratique (2020-2021) de deux jours en ligne, faisant suite à deux journées doctorales sur « l’émergence de nouvelles formes de ministères, notamment confiés aux laïcs » et à « l’exercice des ministères dans des organisations tant ecclésiales qu’hospitalières ». Placé sous le titre : La théologie des ministères dans l’Église catholique et les Églises luthériennes et réformées. Une réflexion théologique sur des pratiques ecclésiales, le colloque a réuni une cinquantaine de doctorants, professeurs, intervenants et praticiens de la pastorale (en ligne).
L’état des ministères protestants et catholiques
Les fondements historiques et dogmatiques ont d’abord été établis, du côté catholique, avec Luc Forestier (Institut catholique de Paris), posant de son point de vue d’ecclésiologue les « vraies questions » autour de la sacerdotalisation du ministère hiérarchique et les réformes à instaurer face aux contextes politique (mondialisation) et ecclésial (synodalité), pour que le sacerdoce commun des baptisés puisse être promu ; et, du côté protestant, avec Jérôme Cottin (Université de Strasbourg), les ressources puisées dans l’Écriture, notamment dans le corpus paulinien et chez les Réformateurs, particulièrement Bucer, pour une diversification et une créativité des ministères aujourd’hui.
Les réponses des Églises aux mutations contemporaines
Face aux défis de la société postmoderne, les Églises réfléchissent et s’organisent au niveau de la formation et des figures ministérielles, aussi bien dans l’Union des Églises protestantes d’Alsace-Lorraine (Bettina Schaller, Université de Strasbourg), avec une diversification des ministères également autres que celui de pasteur ; qu’à travers la difficulté historique de l’Église catholique d’accoucher du « nouveau » en matière de ministères, notamment à cause de la question des ministères à attribuer aux femmes (Alphonse Borras, UC Louvain) ; tant avec le référentiel de compétences mis en œuvre par l’Office protestant (romand) de formation (Didier Halter) pour la formation initiale et continue des pasteurs afin de répondre aux mutations contemporaines ; que par le biais du récent « Concept global de la formation des disciples missionnaires » (agents pastoraux et baptisé·e·s) dans les diocèses catholiques de Suisse romande (Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion).
Conformation à la mentalité ambiante ou adaptation créatrice dans l’exercice des ministères ?
La question se pose face à la montée en force des techniques de « management », conçu par beaucoup comme « la » nouvelle religion, et devant la tension créatrice entre « vocation et métier », « compromission et radicalité évangélique », dans la formation et l’exercice des ministères.
Les ministères d’unité et les enjeux d’autorité
Après le plaidoyer de l’ancien prévôt du chapitre de la cathédrale de Fribourg et membre du Groupe des Dombes, Claude Ducarroz, en faveur d’une autorité exercée en synodalité, communion et responsabilité hiérarchique, Olivier Bauer (Lausanne) avec la collaboration de Pierre de Salis (Neuchâtel) ont montré comment la constitution de la nouvelle « Église évangélique réformée de Suisse », récemment créée (2020), conçoit l’unité surtout sous la modalité de la représentation, le pouvoir faîtier demeurant « faible » selon les conceptions helvétiques démocratiques.
Enfin, à la lumière du témoignage du prophète Jérémie chargé de déraciner et de planter, le systématicien Christophe Chalamet (Université de Genève) a présenté le ministère comme source d’unité et de réconciliation conjuguant vérité et justice, amour et miséricorde, ce à quoi l’apport du doctorant dominicain Gabriel Samba (Fribourg) a donné un écho inculturé dans le cadre de son pays, si souvent et si longtemps en guerre, le Congo-Brazzaville.
Résultats et perspectives
Comme le résume dans sa synthèse finale Élisabeth Parmentier (Genève), les chantiers interdisciplinaires évoqués sont nombreux et immenses, ce qui souligne la place de la théologie pratique en corrélation avec les réalités de chaque époque et leurs contextes sociétal et ecclésial.
Les problématiques soulevées sont semblables entre les deux Églises, mais sont posées comme en miroir l’une par rapport à l’autre. Pour l’Église réformée, quelle place donner au ministère consacré et à une autorité supra-locale, par rapport au sacerdoce commun des fidèles ? Pour l’Église catholique, quels rôles octroyer aux ministères exercés par des laïcs et notamment des femmes, vis-à-vis des ministères ordonnés, et comment vivre une véritable synodalité au sein de la communion hiérarchique ?
La tâche théologique consiste à maintenir la tension entre la réalité des contextes changeants et des affirmations théologiques fondatrices des Églises et à favoriser ainsi un fonctionnement d’autorité dans une diversité réconciliée.
La question demeure ouverte de la possibilité de ministères d’unité supra-locale et donc d’un véritable ministère mondial de « communion symphonique ».
Prof. François-Xavier Amherdt, Université de Fribourg

Théologie des ministères

décembre 13, 2021