Actes n° 19 Église et bien-être partagé en Afrique. Yaoundé, du 10-13 juillet 2019 (Dir. Jean-Patrick Nkolo Fanga et Catherine Chevalier)

Comment la théologie pratique pourrait-elle influencer la transformation dans une perspective chrétienne du continent africain ? L’Union africaine, dans son agenda pour 2063, s’est fixée comme but : « l’Afrique que nous voulons ». Son idéal d’une Afrique du futur est exprimé́ dans les propos suivants : « Les aspirations des peuples d’Afrique reflètent notre désir d’une prospérité́ et d’un bien-être partagé, d’une unité́ et d’une intégration, dans un continent de citoyens libres, et d’horizons élargis, où les femmes et les jeunes tous sexes confondus, réalisent tout leur potentiel, libérés de la peur, de la maladie et à l’abri du besoin ».
Cette notion de bien-être, qui n’est pas encore « apprivoisée » par les réflexions théologiques en Afrique, a attiré notre attention comme l’une des aspirations majeures des nations africaines. Il s’agit d’une alternative conceptuelle à la notion de développement, dépendante des organisations internationales et du monde de la finance, lesquels lui associent le contenu économique du profit au détriment de la défense des intérêts de l’être l’humain qui pourtant devrait être la finalité de tout discours.
Cette thématique retenue pour le « colloque régional de la SITP Afrique 2019 » a orienté les contributions sur le caractère « partagé » du bien-être. C’est le fil rouge des différents articles de ces Actes.
Premier angle adopté, l’angle historique. Deux contributions rendent compte de l’engagement d’évêques africains depuis les indépendances : celui de Mgr Zoa à Yaoundé, en faveur d’une pastorale socio-économique qui permette l’auto-prise en charge des communautés et des familles, et celui de la CENCO en RD Congo, sur la scène politique au profit du bien-être du peuple congolais.
Deux autres contributions s’intéressent au concept de bien-être. La première, d’un point de vue théologique, met en avant l’apport de le constitution Gaudium et Spes du concile Vatican II comme point de départ d’une réflexion théologique à l’écoute des signes des temps et de chaque contexte socio-culturel, au service du bien-être de tout l’homme et de tous les hommes. Une seconde intervention plaide, Bible et réflexion éthique à l’appui, pour une approche holistique du bien-être qui prenne en compte la relation à Dieu, à soi-même, à autrui et à la création : un bien-être envisagé « grand angle » pour permettre à tous de bénéficier de la « vie en abondance » (Jn 10,10).
Les autres contributions déclinent l’engagement des Églises sur un mode pratique, sous la forme de relecture de pratiques ou d’interpellations critiques. Bien-être qui prend la forme de l’hospitalité mutuelle entre personnes issues de l’immigration africaine au sein de communautés chrétiennes québécoises, prise en charge du bien-être des agents pastoraux pour les disposer à adopter « la tenue de service », contribution du capital social-chrétien à l’épanouissement des communautés et à la promotion du vivre ensemble par son enracinement dans des valeurs chrétiennes partagées, accompagnement des personnes et des communautés dans une pédagogie du croire pour leur donner confiance en leurs capacités de se prendre en charge.
Ainsi, à travers cette approche de théologie pratique, se dessine la tâche des communautés chrétiennes : promouvoir, sous la responsabilité des pasteurs et avec l’implication de tous, le « bien-être partagé », en s’appuyant sur ses ressources propres que sont la Parole de Dieu, la réflexion éthique, la vie en communauté et la pratique de la charité. Que la publication de ces Actes soutiennent l’espérance de tous les acteurs engagés en ce sens, et en particulier celui des théologiens qui soutiennent de leurs réflexions et engagements de telles pratiques !
Catherine Chevalier (UCLouvain) et Jean-Patrick Nkolo Fanga (Faculté de théologie évangélique de Bangui-Yaounde / Institut Supérieur Presbytérien Camille Chazeaud)