Recherches n°36 David J. Inczauskis, Sources patristiques de la théologie de la libération

Saint Ambroise empêchant l’empereur Théodose d’entrer dans la cathédrale de Milan en raison des crimes de guerre commis par l’empereur.

English version follows

Le jésuite américain David J. Inczauskis étudie dans ce mémoire de master le recours aux sources patristiques de plusieurs théologiens de la libération latino-américains.  

L’objectif de son étude est double : (1) démontrer l’enracinement de la théologie de la libération dans la tradition patristique de l’Église et (2) mettre en lumière la fécondité de la théologie des Pères de l’Église pour penser des questions telles que les rapports entre riches et pauvres dans une perspective évangélique.  

David Inczauskis déploie son argumentation en trois étapes. Tout d’abord, il montre que l’utilisation des Pères de l’Église par les théologiens de la libération a des proximités avec celle des théologiens français dit de « la Nouvelle Théologie ». Tant ces auteurs que les théologiens de la libération latino-américains se tournent vers les Pères pour soutenir leurs élaborations théologiques, leurs débats avec les questions et philosophies contemporaines, et leur interprétation de la Bible en fonction des signes des temps. 

Le travail de David Inczauskis se concentre ensuite sur la position d’Ignacio Ellacuría. Il montre alors que la pensée d’Ellacuría se fonde sur l’interprétation dialectique de l’inégalité économique élaborée par plusieurs auteurs patristiques, selon laquelle la richesse d’un petit nombre se construit sur la pauvreté du plus grand nombre. David Inczauskis identifie huit modèles dialectiques dans les écrits des Pères de l’Église qui sous-tendent les élaborations d’Ellacuría.  

Dans la dernière partie de son étude, David Inczauskis présente la manière dont Jon Sobrino lit et interprète certains conciles œcuméniques de l’époque patristique. D’une part, Sobrino apprécie la christologie sotériologique de ces conciles et l’identification de Jésus à Dieu. D’autre part, Sobrino conteste les abstractions des conciles qui s’éloignent de la vie du Jésus historique et du règne de Dieu pour lequel Jésus parle et agit. 

Pour conclure, David Inczauskis pointe, à partir de ce qui émerge de son étude, quelques défis qu’il désire adresser aux théologiens de la libération et à l’Eglise. Il appelle les théologiens de la libération à enraciner davantage leur travail dans la tradition de l’Eglise tout en osant aborder les contours spécifiques de la pauvreté et de l’oppression contemporaines. Il invite par ailleurs l’Église à reconnaître que les théologiens de la libération se situent dans la tradition ecclésiale et qu’ils sont encouragés à innover.  

Ce travail constitue une heureuse contribution à la recherche tant en ce qui concerne la théologie de la libération que la théologie patristique. L’interprétation des théologiens de la libération avancée par David Inczauskis est fine et empreinte de nuance. Ainsi sa lecture généreuse des théologiens de la libération ne l’empêche pas de reconnaître sans détour certaines faiblesses de leurs argumentations. Par exemple, il fait remarquer que l’accent mis par Sobrino sur les conciles patristiques dans sa lecture critique l’empêche de prendre en compte d’autres écrits patristiques qui comblent les lacunes qu’il dénonce.  

Nous recommandons cette étude aux lecteurs des Cahiers internationaux de théologie pratique et nous espérons qu’elle sera pour eux instructive et stimulante.  

Professeure Laure Blanchon osu 

Professeur émérite Michel Fédou, sj 

Facultés Loyola Paris – France 

English version 

The U.S. Jesuit David J. Inczauskis examines in this master’s thesis the use of patristic sources by several Latin American liberation theologians.  

The aim of his study is twofold: (1) to demonstrate the roots of liberation theology in the Church’s patristic tradition and (2) to highlight the fruitfulness of the Church Fathers’ theology for thinking about issues such as the relationship between the rich and the poor from the perspective of the Gospel.  

David Inczauskis develops his argument in three stages. First, he shows that the liberation theologians’ recourse to the Church Fathers is similar to that of the French theologians of the nouvelle théologie. Both these authors and Latin American liberation theologians turn to the Fathers to support their theological arguments, their engagement with contemporary issues and philosophies, and their interpretation of the Bible in relation to the signs of the times. 

David Inczauskis’s work then focuses on Ignacio Ellacuría. Inczauskis shows that Ellacuría’s thinking is based on the dialectical interpretation of economic inequality developed by several patristic authors, according to whom the wealth of the few is built on the poverty of the many. Inczauskis identifies eight dialectical models in the writings of the Church Fathers that underpin Ellacuría’s position. 

In the final part of his study, David Inczauskis presents Jon Sobrino’s interpretative reading of some ecumenical councils of the patristic period. On the one hand, Sobrino appreciates the soteriological Christology of these councils and their identification of Jesus with God. On the other hand, Sobrino challenges the abstractions of the councils, which distance themselves from the life of the historical Jesus and the Reign of God for which Jesus speaks and acts. 

In conclusion, David Inczauskis outlines some of the challenges he wishes to address to liberation theologians and to the Church based on what emerges from his study. He calls on liberation theologians to root their work more firmly in the tradition of the Church even as they dare to address the specific contours of contemporary poverty and oppression. He also invites the Church to recognize that liberation theologians are part of the ecclesial tradition and to allow liberation theologians to be innovative.  

This master’s thesis is a welcome contribution to research on both liberation theology and patristic theology. David Inczauskis’s interpretation of the liberation theologians is fine-toothed and nuanced. At the same time, his generous reading of liberation theologians does not prevent him from acknowledging certain weaknesses in their arguments. For example, he points out that Sobrino’s emphasis on the patristic councils in his critical reading prevents him from accounting for other patristic writings that fill the gaps in the councils he denounces.  

We recommend this study to readers of the Cahiers internationaux de théologie pratique and hope that it will prove instructive and stimulating.  

Prof. Laure Blanchon osu 

Prof. émérite Michel Fédou, sj 

Facultés Loyola Paris – France 

mai 5, 2025